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dimanche 28 avril 2013
Médicaments ou poisons ?
L’eau malade des médicaments
(Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances, 20 mars 2013)
Les résidus médicamenteux polluent de manière croissante les milieux aquatiques dans l’hexagone. Cette association regroupe des personnels de santé, notamment des médecins ce qui souligne la portée de ses mises-en-garde.

Une brochure de l’Association Santé Environnement France fait le point sur la pollution de l’eau en France par les résidus médicamenteux, entendus comme la molécule mère, les métabolites excrétées et les métabolites environnementales résultant de la transformation dans l’environnement.
Ces résidus trouvent leur origine, d’une part, dans les sources d’émissions diffuses, tels que les rejets via les urines et les selles des populations, des animaux de compagnie et d’élevage, d’autre part, dans les sources d’émissions ponctuelles, comme les rejets de l’industrie chimique fine, de l’industrie pharmaceutique, des établissements de soins, des élevages industriels d’animaux et piscicoles ou des épandages de boues des stations d’épuration.
La principale source de contamination reste la consommation de médicaments par la population.

Or, les stations d’épuration (STEP) urbaine ne sont, pour l’instant, pas capables de dégrader la totalité de ces résidus si bien qu’une partie peut être rejetée dans les cours d’eau ou se retrouver dans les boues d’épuration destinées à être épandues dans les champs. Une étude a démontré qu’une STEP traitant les eaux d’un CHU laissait passer 36 résidus de médicaments. De plus, les sols peuvent être également contaminés par les déjections d’animaux traités ou par les fumiers et purins produits dans les étables.
Pour ne rien arranger, la consommation de médicaments est toujours orientée à la hausse - pour la seule année 2011, 3,12 milliards de boîtes de médicaments ont été consommées. La France reste le plus gros consommateur européen de médicaments. Il n’est alors guère surprenant que la présence des résidus médicamenteux dans l’eau soit en corrélation avec cette surconsommation.
Une campagne d’évaluation menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) en 2011 et portant sur 45 substances pharmaceutiques d’origine humaine ou vétérinaire a mis en exergue une présence importante de résidus médicamenteux dans l’eau. Ainsi, sur un quart des 285 échantillons traités, les analyses ont révélé la présence simultanée de 4 molécules. Parmi les 45 recherchées, 19 ont été détectées au moins une fois, dont un anxiolytique - l’oxazépam et un antiépileptique - la carbamazépine.

La présence de ces résidus constitue un risque sanitaire reconnu, même s’il reste encore difficile à évaluer, en particulier une exposition chronique à plusieurs substances de façon simultanée. Parmi ces risques, une étude a pu établir que la présence d’antidépresseurs et de psychotropes dans l’eau potable pouvait activer l’expression de gênes associés à l’autisme. D’autres études ont mis en évidence des anomalies du développement embryonnaire, la stérilité, l’hermaphrodisme ou encore la diminution de la biodiversité bactérienne.
Les résidus de certains types de médicaments sont particulièrement préoccupants. Ainsi, les molécules d’oestrogènes (présents dans les pilules contraceptives) peuvent produire des troubles de la reproduction chez les animaux aquatiques. Les antibiotiques peuvent également être toxiques pour les algues vertes et bleues et rendre les bactéries plus résistantes. Enfin, les molécules liés aux anticancéreux présentent généralement des propriétés carcinogènes, mutagènes et génotoxiques.
Pour faire face à ce risque, un Plan national sur les résidus de médicaments dans l’eau a été lancé en mai 2011, afin notamment d’améliorer les connaissances, d’évaluer les risques et d’engager des actions pour diminuer les résidus dans l’eau. L’objectif principal étant d’encourager une réduction à la source plutôt qu’un traitement en bout de chaîne.