Comité Écologique Ariégeois

Association départementale agréée de protection de l'environnement en Ariège

La guerre c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. (Paul Valéry- Gallimard - Cahiers)

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mercredi 11 mars 2020

Quel est le positionnement du CEA sur la gestion des forêts ? Vous saurez tout dans cet article.

Les forêts ariégeoises sont riches et diversifiées en terme d’habitats et d’espèces, notamment sur la haute chaîne pyrénéenne.
Exploitées sur la grande majorité des massifs de montagne, de piémont et de plaine, il nous apparaît nécessaire, dans un souci d’équilibre avec la prise en compte du volet écologique, que de nombreuses pratiques évoluent, et qu’il existe des espaces protégés de taille conséquente afin d’assurer la tranquillité de ces sites et de la biodiversité associée.

Toutes les photos sont cliquables pour une meilleure vision.

Proposition de massifs préservés
Principalement dans les vallées les plus proches de la crête frontière, mais aussi plus rarement sur le piémont, il existe des forêts peu ou pas exploitées, non pénétrées par des routes forestières.
Ces forêts, laissées à l’état sauvage, sont des zones refuge pour des espèces animales et végétales fragiles car exigeantes en termes d’habitat. Le plus souvent, elles sont difficilement mobilisables et produisent des arbres à faible valeur économique.

A titre d’exemple, trois sites de grande superficie remplissent ces caractéristiques et retiennent particulièrement notre attention en terme d’enjeux écologiques. 
Une forêt peut cumuler des rôles de protection, de réserve naturelle « cœur de biodiversité », de régulateur hydrographique.
Nous avons étudié et ciblé de nombreuses petites zones dont la préservation serait nécessaire pour répondre à des urgences localisées en terme de protection d’espèces et d’habitats d’espèces.
Nous contacter pour plus de renseignements.

Continuités écologiques et bonne santé des forêts
La fragmentation des habitats constitue l’une des causes principales de l’érosion de la biodiversité forestière. Pour assurer la présence de l’ensemble du cortège spécifique des décomposeurs, notamment les milliers d’espèces liées aux micro habitats spécifiques des forêts matures et au très gros bois mort, il est indispensable qu’une quantité suffisante de bois mort soit maintenue en forêt, qu’il s’agisse d’arbres vieux, sénescents, morts debout, à cavités, ou de bois mort au sol de toutes dimensions.
Les rémanents d’exploitation et les souches doivent par conséquent être conservés en forêt.
Rappelons qu’une forêt exploitée, même d’âge avancé, ne connaît qu’une partie du cycle biologique d’une forêt évoluant naturellement et ne permet pas d’assurer la survie des espèces et habitats liés aux stades sylvigénétiques ultimes de la forêt.
Ces stades ultimes hébergent des décomposeurs redoutés par les forestiers (scolytes, etc) mais aussi leurs prédateurs, qui peuvent, en cas de stress hydrique par exemple, se reproduire de manière aussi efficace que le développement spontané de leurs proies.
Ces stades constituent en cela des laboratoires d’étude sur la résilience des milieux forestiers.

Etude qui serait souhaitable
Une vision globale des forêts matures ou pré-matures car inexploitées depuis des décennies, pourrait être fournie par une étude ciblée. Cette étude pourrait viser des objectifs de continuité écologique sur le piémont et la haute chaîne ariégeoise, composé de réservoirs de grandes aires et d’aires de moindres dimensions, jusqu’aux îlots de vieux bois. En premier lieu, elle devrait mettre la priorité sur la préservation des espèces associées aux cœurs de biodiversité, les « vieilles forêts pyrénéennes » (JM Savoie et al, 2015).
Cette vision pourrait être traduite en fiches actions dans les documents directeurs (DRA-SRA-SRGS) concernant les programmes de coupes et travaux.

Dessertes forestières
Dans les schémas directeurs, la route est presque toujours présentée comme l’aménagement indispensable sans lequel aucune production de bois ne serait possible.
Et le réseau de routes forestières (pérennes et accessibles aux camions grumiers) qui constitue le type de desserte pratiqué dans nos massifs depuis quelques décennies, nous est bien connu. Aussi pouvons-nous juger de ses très nombreux impacts réels sur l’environnement.
Citons par exemple :
 impact visuel : la route se doit d’être large, longue et avec de nombreux virages pour respecter le passage des camions et une pente faible.
 pénétration du milieu : la route provoque l’accès irrémédiable aux zones sensibles, ce qui a pour conséquence le dérangement, le déplacement voire la disparition de la faune et de la flore sensibles.
 les sports motorisés et la chasse motorisée illicites trouvent là un terrain de jeu approprié, en inadéquation avec les services de contrôle et de police qui sont en sous effectif ou absents. Dans la pratique, la barrière n’est plus tolérée et le système arbitraire d’accès aux nombreux ayant droits critiquable.

Dans un massif d’accès difficile qui représente toujours un grand intérêt environnemental, le coût d’exploitation serait trop élevé. Dans ces sites comme ailleurs, c’est l’argent du contribuable qui finance la grande majorité des créations de routes jusqu’à 80 %, sans que soient proposées dans la concertation d’autres alternatives plus respectueuses du milieu.
Les associations de protection de la nature ne sont qu’exceptionnellement sollicitées sur les projets de débardage et desserte. Il y aurait tout à gagner qu’elles soient informées en amont des projets afin de faire remonter un certain nombre d’ enjeux dont certains oubliés des aménageurs et des études d’impacts, ce qui éviterait des désaccords et frictions en aval des projets.
Des solutions de débardage existent et devraient être en tout cas prioritaires et privilégiées (câble lorsque les prélèvements en volume sont raisonnables et les rotations longues, débardage à cheval, petits tracteurs et chenillards, etc).
Les créations de routes forestières détruisent les massifs de montagne. Cela nous emmène à nous opposer à toute création de route forestière.

Propositions concernant la gestion
Des exemples récents en agriculture-élevage nous ont montré les limites de l’agriculture intensive et l’intérêt de diversifier et d’adapter les méthodes d’exploitation aux différents milieux. Ce n’est pas à la forêt de s’adapter aux usages humains intensifs. La plantation monoculturale et la plantation d’essences exogènes, qui appauvrissent les milieux, n’y ont pas leur place.
La régénération naturelle et le traitement en futaies irrégulières pied à pied, insuffisamment représentés, répondent à des enjeux de biodiversité et de multifonctionnalité. Ils devraient donc constituer un objectif prioritaire tant en forêt publique que privée.

Les itinéraires sylvicoles permettant de produire, notamment en montagne, des gros et très gros bois devraient être développés, car le cumul de gros bois, de vieux arbres et de gros bois mort qu’ils génèrent est particulièrement favorable à la biodiversité forestière. L’exploitation raisonnée de forêts à très gros bois assure un stockage de carbone in situ, puis dans des produits transformés à très longue durée de vie tout en apportant une plus-value économique intéressante pour les propriétaires forestiers.
Concernant les décisions de gestion eu égard aux changements climatiques, et en l’absence de prévisions claires issues de la recherche scientifique, les choix sylvicoles devraient d’abord se baser sur la bonne santé des ressources naturelles présentes, afin de limiter les risques et la vulnérabilité des peuplements aux aléas bioclimatiques.
Le choix du propriétaire forestier de laisser tout ou partie de sa propriété en libre évolution, constitue un mode de gestion forestière durable à part entière. Les contrats Natura 2000 « îlots de bois sénescents » permettant de financer cette gestion volontaire (engagement de non exploitation sur au moins 30 ans avec contrepartie financière de 2000 à 4000€/hectare) mériteraient d’être connus et soutenus afin de pérenniser les services écologiques rendus par ces milieux.

Coupes rases
Les coupes rases devraient être prohibées sur l’ensemble du département. Elles constituent des perturbations majeures pour l’équilibre biologique et structurel des sols. Elles provoquent une érosion et une minéralisation accélérée, une perte ou un ralentissement de l’activité biologique, une perturbation du régime hydrique et hygrométrique, des modifications des cortèges d’espèces, une prolifération d’espèces
invasives, etc.

La mobilisation des forêts de plantations arrivées à l’âge d’exploitabilité, notamment du FFN, devrait faire l’objet d’études au cas par cas afin de privilégier le retour de la diversité d’espèces et d’âges (bandes d’essences autochtones pour un retour progressif à la forêt mélangée à terme, exploitation par bouquets, etc).
Dans tous, les cas , pour une coupe de plus de deux hectares (tous propriétaires confondus) et en l’absence de document de gestion durable, une autorisation préfectorale est obligatoire en Ariège. La réglementation devrait être claire pour ce qui est de la communication de cet arrêté préfectoral, notamment aux propriétaires privés et gestionnaires. Le seuil étant à 1 hectare dans le département voisin de la Haute Garonne, nous trouvons opportun d’abaisser les seuils à ce même niveau en Ariège.
Des contrôles devraient être effectués par la DDT afin de faire respecter de manière efficace et sérieuse cette réglementation.


Soutien de la filière dans des pratiques « raisonnées »

Là où l’exploitation est souhaitée, il s’agirait d’orienter les aides vers des pratiques de débardage qui ont fait leur preuve et sont plus respectueuses de l’environnement : soutien aux exploitations artisanales et aux méthodes alternatives de débusquage et de débardage.
La création de pistes à tracteur ou « tires de bois », ainsi que la réfection de pistes prévoyant un élargissement sont vus d’un œil défavorable. Si le maintien de pistes à tracteur peut provoquer un impact moindre dans le paysage par rapport à une route forestière, elles peuvent avoir pour objectif le passage d’engins performants, être élargies par pelle mécanique et parfois avec brise roche.
Les aides devraient donc aujourd’hui être uniquement dirigées vers des méthodes alternatives.
Il semblerait également judicieux d’encourager et de développer des structures et méthodes artisanales favorisant les entreprises locales (petites scieries, élagueurs, débardage avec traction animale, débardage par câble, scieries mobiles, etc. )

Un manque de formation et d’information
La dynamique de la végétation, le fonctionnement biologique des sols, les interactions entre espèces et la gestion interne de l’eau par l’écosystème forestier sont méconnus par une large part des acteurs et propriétaires forestiers.
L’accès et l’encouragement à des formations adaptées semblent indispensables pour contribuer à la diffusion des connaissances sur l’amélioration de la résilience des forêts et leur capacité à produire durablement du bois, grâce à l’intégration des enjeux écologiques dans les politiques et les pratiques de gestion.
Mieux informer les acteurs sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers leur permettrait de déterminer, de façon plus raisonnée et écologique, les volumes de bois à prélever.
Les initiatives proposant des formations respectueuses du milieu naturel (Réseau des Alternatives Forestières, Ecorce, par exemple) devraient être soutenues.

La mise en réseau des acteurs des territoires et le développement de l’utilisation des outils de diagnostic écologique permettrait aux propriétaires et gestionnaires de s’impliquer davantage dans des choix de gestion permettant une préservation volontaire et appropriée des milieux et des espèces. Par exemple, l’Indice de Biodiversité Potentielle (IBP) permet à un propriétaire de comprendre rapidement les enjeux écologiques de sa forêt.
Le citoyen ariégeois est lui même très ignorant en la matière. Il devrait disposer d’informations lui permettant d’orienter ses choix d’achat en faveur de modes de production plus respectueux de l’environnement et du tissu humain local.


Autres activités en forêt

La chasse doit être limitée dans les zones de présence d’espèces menacées sensibles au dérangement. Les modes de prélèvement moins stressants pour les animaux, comme la chasse à l’approche et à l’affût, doivent être privilégiées par rapport à la battue.
Les pratiques cynégétiques doivent intégrer les prélèvements opérés par les grands prédateurs présents (loup, lynx, etc.) et non les combattre.
Le Grand tétras, dont les effectifs ont régressé de 75 % depuis les années 60, mérite une protection intégrale, tout comme sur le versant sud des Pyrénées, en Espagne.

Il importerait que les routes forestières, notamment celles menant à proximité de zones sensibles, soient fermées et interdites à la circulation. Les autorisations d’ayant-droit ne devraient être accordées qu’aux propriétaires et aux personnes dont l’activité professionnelle est directement en rapport avec les milieux exploités (forestiers, éleveurs,... ) et pour des motifs strictement liés à l’activité professionnelle. Pour tout autre motif sérieusement légitimé l’autorisation devrait rester exceptionnelle et définie dans le temps de manière très temporaire.
Des usages divers des produits de la forêt peuvent être développés, notamment médicinaux et pharmaceutiques (plantes herbacées, champignons, lichens, écorces, résine, etc.).


La forêt contribue à satisfaire les besoins de nature d’une population de plus en plus urbaine, ce qui ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’un milieu vivant où de nombreuses espèces ont leurs habitudes de vie. Des informations claires devraient être diffusées aux usagers de la montagne, notamment en période hivernale et en période de reproduction, périodes de sensibilité maximale.
Dans cette optique, stations de ski, acteurs touristiques, élus, Conseil départemental, PNR, etc., devraient faire le maximum à nos côtés afin d’informer les usagers de la montagne de gestes simples permettant de limiter les dérangements de la faune et de la flore pyrénéennes.

Voir et télécharger le Fichier : La_foret_par_le_CEA.pdf

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