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samedi 7 avril 2018

Les forêts vivantes, en inadéquation avec les enjeux de la filière bois

Un article de Philippe Falbet, membre du CEA,animateur de l’Observatoire des forêts commingeoises, auteur du site www.vieillesforets.com

Matériau écologique par excellence, le bois est aujourd’hui présenté comme un substitut aux énergies fossiles, une alternative à la construction en béton, une ressource renouvelable et vertueuse du point de vue climatique. En amont de ces nouveaux usages, répondant à des modes de vie et des appétits industriels toujours plus gourmands, existe un milieu naturel, lieu de vie d’un grand nombre d’espèces : la forêt.

Y a t’il de quoi s’inquiéter pour elle ? Oui, assurément. Les actus de l’hiver montrent une multiplicité d’initiatives citoyennes au niveau national , en réaction à l’artificialisation des milieux et aux pratiques intensives. L’État est d’ailleurs préoccupé par la contestation du public qui s’opposerait aux coupes d’arbres (voir l’actu).

Il est clair que le grand public est très peu préparé à la manière dont se conduit habituellement une exploitation forestière, à la découverte d’un chantier de coupe, ou d’une piste de débardage boueuse où ont été traînés des bois. Il est d’ailleurs en demande de débat et d’information, en témoigne l’énorme succès du film « l’intelligence des arbres » qui remplit systématiquement les salles et provoque des discussions très riches avec les présentateurs et invités après les projections.

Comme le souligne le Réseau Forêt de France Nature Environnement (voir l’actu) : « si la perception des citoyens a évolué, elle l’a fait en écho à certaines pratiques sylvicoles constatées depuis plusieurs décennies (mécanisation des récoltes, impacts paysagers des coupes rases, transformations de peuplements...), ainsi que grâce à la diffusion d’alternatives performantes d’un point de vue environnemental, mais aussi économique (sylviculture à couvert continu, techniques de débardage moins impactantes...). »

Prenons un exemple concret participant à l’artificialisation des forêts françaises et suscitant actuellement des controverses : le sapin de Douglas. C’est une essence exotique « qui a la cote » et qui est plantée en remplacement d’un taillis ou d’une forêt feuillue. Le boisement initial est coupé à blanc et remplacé par des semis d’arbres plantés en ligne, cela s’appelle la monoculture.

Le volume sur pied de sapins de Douglas a été multiplié par 8 en 20 ans en Occitanie. Or cette culture intensive se base sur un modèle de pays du Nord où les forêts, composées essentiellement de résineux, sont bien éloignées de la structure de nos boisements autochtones. Qui eux, peuvent être gérés en respectant les équilibres des essences en présence, en accompagnant leur renouvellement naturel, en pratiquant une sylviculture au couvert forestier permanent.

Le sapin de Douglas est un bois de qualité, tout comme l’est le châtaigner qu’il remplace dans les charpentes et donc dans les forêts, ce dernier serait sans avenir … alors qu’il a prouvé ses qualités durant des siècles et qu’il est exporté pour du bois d’œuvre au Portugal ! Le savoir-faire visant à transformer le châtaigner se perd … et sa comparaison avec le Douglas en terme de rentabilité est biaisée en raison des subventions publiques dirigées massivement vers la plantation.

Et la forêt dans tout ça ? La monoculture est une catastrophe du point de vue écologique. Dans le cas du Douglas, la biodiversité fongique (plus précisément, le nombre d’espèces mycorhiziennes) baisse de 98% lors d’une conversion d’un peuplement de feuillus autochtones à une plantation de Douglas.

Alors, la demande crée-t-elle tout, et qui la crée ?

Une réflexion de l’ensemble des acteurs serait nécessaire pour interroger le modèle actuel et définir des orientations engagées en la matière.

Et les vieilles forêts pyrénéennes, sont-elles en danger ?

Ces forêts à la fois anciennes et matures représentent plus de 7000 hectares soit environ 2 % de la totalité des forêts de montagne. Elles sont protégées à 95 % par leur inaccessibilité. Aucun statut de protection particulier ne protège ces peuplements.

Actuellement, filière bois et Etat souhaitent mobiliser plus de bois dans les forêts de montagne : c’est le « bois + ». Dans les Pyrénées, de nombreux schémas de desserte sont en cours, ils visent à accéder à des boisements non exploités par la prévision de nouvelles routes forestières subventionnées. Objectifs de prélèvements de bois, enjeux financiers et écologiques (dont depuis peu, les enjeux vieilles forêts) sont mis ensemble sur la table et examinés.

Les vieilles forêts sont des forêts sauvages, lieux de quiétude de faune présentant une forte naturalité, elles existent encore dans les Pyrénées. « Encore » : voilà bien un adverbe signalant la fragilité des lieux et questionnant, dans le contexte contemporain dicté par l’économie et la modernisation rapide des techniques, leur existence dans le long terme.

La conscience des élus, des institutionnels, des forestiers, des propriétaires privés, les initiatives citoyennes façonneront la forêt de demain. De nouvelles manières de s’engager sont en train d’émerger, comme Forêts en Vie. Il dépend de nous tous de nous informer, de nous investir, de diriger nos achats, pour permettre l’existence de forêts riches, vivantes et diversifiées.


L’observatoire des forêts

Vieilles forêts

Messages

  • L’utilisation d’abatteuses dans les grandes exploitations, avec un cout élevé donc une faible rentabilité, oblige à faire des abattages en masse et des coupes rases. Ce type d’engin ne sert pas à faire du jardinage.

    D’un autre côté, il y a les petites exploitations à taille humaine, avec des tronçonneuses, débroussailleuse et certaines le tractage animal. C’est joli, mais pour survivre, elles doivent être largement subventionnées.

    Il faudrait un type d’exploitation intermédiaire, avec des petits engins de chantiers à "taille humaine et à prix humain". :-)
    Technologie lowtech à créer !!! rentable, tout en étant à prix abordable.
    à voir, ce courant https://basta.media/Ces-agriculteurs-et-ingenieurs-qui

  • Bonjour, merci pour votre commentaire. La "voie du milieu" est effectivement difficile mais elle commence à percer aujourd’hui. Une petite rectification avant tout : tout comme pour l’agriculture intensive, la sylviculture intensive est largement subventionnée, bien plus que les petites exploitations à taille humaine ou le travail de gestionnaires forestiers indépendants qui n’ont pas les moyens humains et techniques de concourir aux appels d’offres, et d’être représentés dans les instances décideuses des dites subventions, comme les Commissions Régionales Forêt Bois. Pour info, un ha de replantation après coupe rase est subventionné entre 3000 et 5000€ par l’Etat. La quasi totalité de la part du gateau des subventions bénéficie aux coopératives forestières, aux gros propriétaires et à l’ONF (plantatiions, desserte, câble, etc). Lorsque je dis qu’elle commence à percer, c’est parce que la société civile n’est plus dupe, que des groupements forestiers se montent partout, que Pro Silva, les techniques de sylviculture douce avec petite mécanisation et leurs formations, se popularisent dans l’hexagone. Un petit dynamisme face aux géants, certes, mais l’énergie et la motivation sont là.

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