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vendredi 1er mars 2013
La circulation des véhicules terrestres à moteur dans les espaces naturels
Nuisances
Plusieurs secteurs en Ariège ont été concernés depuis une dizaine d’années par la circulation dans la nature de véhicules à moteur tout-terrain (voitures 4x4, motos, quads). L’association CEA09 sollicitée par des habitants confrontés aux nuisances de pratiques abusives de sports motorisés, a été amenée à réagir.
Après s’être penché sur les nuisances à l’environnement, l’article cite la loi ainsi que deux circulaires ministérielles et la jurisprudence qui éclaire celle-ci. Puis il résume l’évolution de la situation ariégeoise. Enfin il signale une documentation disponible sur ce site pour en savoir plus sur la réglementation.
Sommaire :
I - Les atteintes à l’environnement.
II - Ce que dit la loi Lalonde du 03 janvier 1991.
III - La circulaire Olin du 06 10 2005.
IV - L’instruction ministérielle de Me Kosciusko-Morizet du 13 12 2011.
V - En pratique.
VI, VII - Exemples de jurisprudence.
VIII, IX, X - Les sports motorisés en Ariège.
I. Les atteintes à l’environnement causées par la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels :
Outre les nuisances sonores qu’elle engendre, la circulation motorisée dans la nature n’est pas anodine en tant qu’elle exerce des pressions sur la flore, la microfaune et la faune dont beaucoup d’espèces sont en situation de refuge dans les milieux traversés.
Comme le signale l’office national des forêts (ONF) dans ses plaquettes dédiées à ce sujet, il y a risque d’érosion du sol, d’arrachement des plantes, de retombées sur la flore de la poussière soulevée mêlée aux gaz émis. Il y a aussi risque de dérangement de la faune, d’abandon des nichées par le bruit et le mouvement des véhicules, et d’écrasement des diverses pontes au sol (insectes, amphibiens, reptiles, oiseaux).
S’y ajoutent les dangers de pollution des cours d’eau au contact des pneus et des mécaniques (gomme, essence, huile), les risques de contamination par le transport des germes d’animaux, les risques d’incendie, d’accident, le dérangement des troupeaux, la dégradation des chemins et des gués.
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Dans le cas de passages d’engins de sports motorisés, motos enduro et quads sportifs, la dégradation des chemins est forte sur les terrains meubles et catastrophiques sur les terres détrempées : creusement d’ornières qui augmentent le ruissellement, production de boue, décaissement des sentiers sur les pentes, éboulement des berges aux franchissements des cours d’eau, élargissement des courbes par les passages de quads nerveux et non équipés de différentiel, ce qui les oblige à des dérapages pour tourner.
II. La loi Lalonde du 3 janvier 1991 (codifiée aux articles L 362 -1 et suivants du code de l’environnement), « en vue d’assurer la protection des espaces naturels » :
1- Interdit la circulation des véhicules à moteur hors des voies ouvertes à la circulation publique c’est-à-dire hors des voies classées dans le domaine public routier (de l’Etat, des départements et des communes), hors des chemins ruraux et hors des voies privées ouvertes à la circulation publiques des véhicules à moteur ;
2- Impose aux parcs naturels régionaux (PNR) de réglementer la circulation motorisée dans les communes adhérentes (Cf. article L. 362-1 du code de l’environnement) ;
3- Précise que cette interdiction ne s’applique pas aux propriétaires ou à leurs ayants droits circulant à des fins privées sur des terrains leur appartenant ;
4/ Soumet l’ouverture de terrains pour la pratique des sports motorisés aux dispositions de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme et donc à une autorisation préalable à leur aménagement (Cf. article L 362-3 du code de l’environnement) ;
5/ Donne aux maires et aux préfets le pouvoir d’interdire par arrêté motivé l’accès de certaines voies communales ou chemins ruraux ou voies privées pour des motifs de tranquillité publique, de protection de l’environnement ou pour soutenir la mise en valeur agricole, écologique, touristique.
6/ Interdit toute forme de publicité directe ou indirecte présentant un véhicule en situation d’infraction aux dispositions de cette loi. (Cf. prévu par l’article L.362-4 du code de l’environnement et réprimé par R. 362-4 du même code).
III. La jurisprudence (décisions rendues par les juridictions et notamment de la Cour de Cassation) a rendu son interprétation de la notion « d’ouverture à la circulation publique », comme le remarque l’annexe 2 de la circulaire ministérielle de Me Olin du 06 09 2005 validée le 10 01 2007 par le Conseil d’Etat :
« La notion d’ouverture à la circulation publique n’est pas définie par la loi ou le règlement ; elle est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond qui se prononcent au vu des éléments qui leur sont soumis ou des mesures d’instructions qu’ils ont ordonnées » (Cour de Cassation : Assemblée plénière 05 02 1988 ; Bulletin civ. N° 58, aux conclusions de l’avocat général Ortolland publiées au BICC du 15 03 88, p.1 et s.).
« Des interprétations variables de la législation, source de conflits importants, persistent sur le terrain (…) les tribunaux considèrent qu’une voie doit être manifestement praticable par un véhicule de tourisme non spécialement adapté au « tout-terrain » pour que la présomption d’ouverture à la circulation existe. »
« En ce qui concerne les voies privées, les caractéristiques du chemin (aspect non carrossable,(…) étroitesse) sont essentielles pour apprécier leur caractère ouvert ou fermé à la circulation.
Lorsque le chemin (…) présente un aspect carrossable accessible à des véhicules de tourisme non spécialement adaptés au tout terrain, il est présumé ouvert. Son caractère fermé doit impérativement résulter d’un panneau B0 ou d’un dispositif de fermeture (barrière, plots etc). »
A propos des propriétaires et de leurs ayants droits que la loi autorise à circuler « à des fins privées » sur leurs terrains, la circulaire fait remarquer (note 2, p. 3 annexe 2) que « Ne constitue pas un usage privé, la circulation de véhicules loués à la journée par un loueur de quads » (Cass. Crim., 7/09/2004, pourvoi n° 03-85465).
IV. L’Instruction (non parue au journal officiel) du 13 12 2011 de la ministre Me Kosciusko-Morizet, rappelle le principe de la loi et énonce une liste de lieux de passage non ouverts à la circulation publique :
« Il convient de rappeler que cette législation a été mise en place pour protéger les espaces naturels, qui font partie du patrimoine commun de la Nation (article L 101 du code de l’environnement), préservation à laquelle toute personne doit prendre part (article 2 de la charte de l’environnement).
(…) L’article L. 362-1 du code de l’environnement interdit la circulation des véhicules terrestres à moteur dans les espaces naturels en dehors des voies ouvertes à la circulation publique…
Dès lors, les lieux de passage suivants ne peuvent constituer des voies ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur :
- les tracés éphémères (chemins de débardage ouverts et utilisés par les tracteurs pour la seule durée de l’exploitation d’une coupe, aux seules fins de tirer les bois exploités hors de la parcelle) ;
- les bandes pare-feu créées dans les massifs forestiers pour éviter la propagation des incendies ;
- les itinéraires clandestins qui, à force de passages répétés, créent au sol une piste alors que le propriétaire n’a jamais eu l’intention de créer un tel chemin à cet emplacement ;
- les emprises non boisées du fait de la présence d’ouvrages souterrains ou aériens (canalisations, lignes électriques...), du couvert environnemental (bandes enherbées...), ou ouvertes pour séparer des parcelles forestières (lignes de cloisonnement).
-Les sentiers manifestement destinés à la randonnée pédestre en raison de leur étroitesse ne sont pas non plus des voies ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur (…) »
V. En pratique, la question de la légalité de l’accès des véhicules terrestres à moteur (VTM), se pose particulièrement par rapport aux nombreux chemins communaux cadastrés.
En effet, beaucoup de ces chemins, ouverts autrefois pour le passage des charrettes et dont l’entretien a été délaissé depuis des décennies, ne sont absolument pas physiquement accessibles aux véhicules terrestres à moteur sauf aux motos de cross, aux quads et, dans certains cas, aux voitures tout terrain 4x4.
D’autre part le statut juridique des chemins communaux cadastrés n’est souvent pas clairement établi du fait que beaucoup ont perdu depuis longtemps leur usage public et que les communes ne les ont jamais adaptés à la circulation des véhicules à moteur. Or, le code rural précise que la définition de chemin rural est reliée aux notions d’usage public et d’entretien pour cet usage.
D’ailleurs dans les tableaux de classement des voies dressés par les communes (en mairie et à la DDT) la liste des chemins classés « Chemins Ruraux » (CR) se limite à des voies goudronnées autres que les « voies communales » (VC) ainsi qu’à des chemins accessibles à un véhicule de tourisme, et entretenus.
Tout en affirmant que « Chacune des voies figurant dans l’article L. 362-1 du code de l’environnement est définie par son statut et non par son aspect physique ou son entretien », l’instruction ministérielle du 13 12 2011 ne manque pas de rappeler, en conclusion, que : « Sur la notion d’ouverture à la circulation publique, les juges exercent en cas de litige, leur pouvoir souverain d’appréciation. »
VI. Exemple de jurisprudence : la condamnation d’un organisateur par la Cour de Cassation le 7 septembre 2004 pour exploitation non autorisée d’un terrain de sports motorisés et pour complicité de circulation de véhicules motorisés dans les espaces naturels :
Résumé N° JurisData 2004-025104
« Le prévenu a été déclaré responsable des conséquences dommageables de l’infraction d’exploitation non autorisée d’un terrain de sports motorisés. Les juges retiennent qu’il a méconnu, en connaissance de cause, les dispositions des articles L. 442-1 et R. 442-2 du Code de l’urbanisme et de l’article L. 362-3 du Code de l’environnement. Il a fait réaliser, sans autorisation préalable, sur un terrain appartenant à une société civile immobilière dont il est le gérant, des installations et des travaux pour la pratique de sports motorisés. Les juges précisent que ce terrain est ouvert au public toute l’année et est exploité par une société gérée par le prévenu, qui loue des motos et des quads permettant de circuler sur les circuits aménagés. Cette décision est justifiée.
Le prévenu a été déclaré responsable des conséquences dommageables de l’infraction de complicité de circulation de véhicules motorisés en dehors des voies de circulation. Il a loué des motocyclettes et des quads au public et fourni des instructions d’utilisation de ces engins. Les circuits empruntés ne sont ni des voies appartenant au domaine public, ni des chemins ruraux, ni des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. Ces circuits sont accessibles aux seuls véhicules tout-terrain, de façon payante et limitée à des heures d’ouverture. Il en résulte que le prévenu n’a pas fait circuler les véhicules à des fins privées, au sens de l’article L. 362-2 du Code de l’environnement. »
VII. Autre exemple : Le Tribunal d’instance d’Annonay le 4 décembre 2012 justifie l’action de La FRAPNA 07 (association ardéchoise agréée de défense de l’environnement) qui s’est portée partie civile contre l’auteur d’une publicité illicite de véhicules à moteur circulant dans les espaces naturels :
« Le Président ordonne à titre de réparation la publication à une seule reprise par La FRAPNA 07 dans un numéro du magazine « Moto verte » aux frais de (l’auteur de l’infraction) et pour un maximum de 750 euros le communiqué suivant :
Le Tribunal de police d’Annonay a, dans une décision du 4 décembre 2012, déclaré le représentant légal de l’époque (2010/2011) de la SARL « Cévenol tout-terrain » coupable de publicité représentant des véhicules à moteur circulant hors des voies ouvertes à la circulation et donc dans des espaces naturels (…)
La constitution de partie civile de La FRAPNA a été accueillie et le présent communiqué ordonné à titre de réparation des atteintes portées aux intérêts défendus par cette association. »
VIII. Les sports et loisirs motorisés en Ariège
L’Ariège a été le théâtre de nombreux abus de la part de pratiquants de sports motorisés dans les années 2000. On a recensé diverses tentatives d’organisation de circuits non déclarés et de raids en pleine nature (y compris en zone Natura 2000), de voitures 4x4, de motos d’enduro et de quads.
La tentation est probablement grande de profiter des étendues pour essayer de réussir ce genre d’organisation qui a ses passionnés locaux mais également hors du département.
Pire que le mépris de la nature, a été la volonté de contraindre par la force les habitants opposés à ces projets de sports motorisés, ce d’autant plus lorsque les projets étaient développés avec un objectif mercantile.
A chaque fois c’est grâce aux personnes sur place qui ont résisté aux pressions ou aux menaces des organisateurs, que la lutte a pu réussir à stopper ces abus.
Pour calmer différents points chauds du piémont et de la montagne, il nous a fallu pendant 3 ans tirer la sonnette de la préfecture, celle du Procureur, celle du député, celle du syndicat mixte de préfiguration du PNR et celle du ministère de l’environnement.
Contentons-nous de citer le cas du circuit 4x4 à Montoulieu où l’intervention de l’Administration, à notre demande et grâce au travail des agents de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a été décisive :
Effectivement rappelons que l’association « Pyrénées 4X4 » proposait depuis plusieurs années et jusqu’au mois d’avril 07, outre des randonnées de voitures 4x4 en Catalogne espagnole et des raids dans l’Atlas marocain, des « week-ends verts en Ariège Pyrénées » et des journées de franchissement. Ces randonnées dans les espaces naturels se déroulaient au dessus du hameau de Seignaux sur la propriété du président de l’association, et bien au-delà sur un très vaste réseau de pistes tracées en plein bois, ruisseaux, ruines et ancienne mine de kaolin, couvrant au moins deux cents hectares.
Les week-ends dénommés « Extrem Jeep Tour », concentrations non déclarées et non désintéressées vu le montant des frais d’inscription demandés aux nombreux participants, étaient dévastateurs pour l’environnement. En avril 2007, suite aux vérifications effectuées sur le terrain par les agents ONCFS, une telle manifestation a été interrompue sur injonction de la préfecture à l’organisateur.
Malgré la mise au panier par le Procureur des procès verbaux dressés par les agents ONCFS, les activités de cette association ont dû cesser sur les terrains de Seignaux.
Nous faisons la part des choses en disant que n’est bien sûr pas en cause l’usage normal, agricole, d’un véhicule tout-terrain utilitaire.
Quant aux balades individuelles ou de quelques pratiquants locaux, des passages hors voies carrossables peuvent dans une certaine mesure être tolérés par les habitants selon le comportement des conducteurs et l’importance des nuisances.
Les luttes ont porté sur des projets d’envergure menés par des organisateurs sans-gêne vis-à-vis de la nature, de la loi et vis-à-vis des gens affectés par ces pratiques abusives.
IX L’appui du PNR :
La décision de créer un parc naturel régional sur presque la moitié du territoire, a mis tous les maires concernés devant leurs responsabilités quant à cette problématique.
(Précisons qu’un petit nombre parmi eux avaient déjà pris les devants en interdisant la circulation sur certaines pistes conformément à la loi).
La charte du PNR engage désormais les maires et les aide, aux yeux de leurs administrés, à agir contre l’extension des pratiques de sports motorisés en pleine nature. (Voir l’article 13.3.2 de la charte du PNR Pyrénées Ariègeoises).
Il convient d’indiquer que l’administration du parc est active dans ce sens auprès de la préfecture de Foix et de la sous-préfecture de St Girons.
X. Le soutien des associations :
L’action de notre association s’appuie sur un vaste soutien comme nous l’a montré le résultat d’une pétition que nous avons lancée auprès des associations.
En juillet 2008, 50 associations et fédérations ariégeoises (environnement, patrimoine, agriculture, animation locale, randonnée, tourisme, culture) ont signé une pétition remise par le C.E.A à la préfecture et au Ministère contre l’expansion des sports motorisés en pleine nature.
C’est la preuve que les abus des sports motorisés constatés à l’époque par les membres d’associations très diverses déplaisent, inquiètent et exaspèrent compte tenu des nuisances qu’ils apportent à l’environnement et au cadre de vie,
Le texte signé était le suivant :
« Nous protestons contre l’expansion particulièrement active à l’intérieur du périmètre du futur PNR, des pratiques de sports et loisirs motorisés en pleine nature.
Nous demandons unanimement le respect de la loi du 3 janvier 91 interdisant la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels, à plus forte raison dans les communes qui se préparent à adhérer au Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises. »
Le climat s’est beaucoup apaisé. Évidemment l’action de l’association dans ce domaine continue et elle s’applique à tout le département.
Documentation Législation Sports Motorisés (après ouverture des documents, cliquez sur la flèche de retour pour retrouver cette page) :
– La loi 91- 2 du 3 01 1991.
– La circulaire « Olin » du 6 09 2005.
– L’Instruction du gouvernement du 13 12 2011 de Mme Kosciusko-Morizet.
– Guide 2009 FRAPNA VTM « La circulation des engins motorisés dans les espaces naturels » document très complet réalisé en décembre 2009 par la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature FRAPNA et par l’association mountain wilderness France.
– L’article 13.3.2 de la charte du PNR Pyrénées Ariègeoises (parution 2008) : « Encadrer la circulation des véhicules motorisés dans les espaces naturels ».