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Solstice d’hiver : mère Terre ou père Noël ?

samedi 2 janvier 2021

Solstice d’hiver : mère Terre ou père Noël ? Un article informationnel en même temps qu’interrogateur sur la forme que Noël a prise depuis des lustres... Ce texte est envoyé par Résilience, Entraide, Savoirs-faire/être, Outils communs, bassin-versant du LEZ : RESOLEZ
(Les illustrations sont de notre choix)

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Qu’est-ce que le solstice ? Solsticium signifie en latin « arrêt du soleil ». A l’horizon, on peut voir la trajectoire du soleil se coucher de plus en plus bas pour raser la montagne et stagner, à un moment précis avant de reprendre sa course toujours plus haute. Ce jour le plus court marque le solstice d’hiver autour du 21 décembre chaque année.
C’est une sorte de gestation pendant laquelle la lumière du soleil va commencer à croître un peu plus chaque jour jusqu’au solstice d’été qui stagne également à son maximum avant de redescendre, et ainsi de suite...Les saisons des solstices (hiver, été) et équinoxes (printemps, automne) sont célébrées partout sur la planète, ce sont sans doute les plus grands rituels du monde.

Dans la philosophie chinoise, le solstice remonte à l’harmonie et l’équilibre du cosmos (le Yin et le Yang). Les dolmens, menhirs et autres sites sacrés andins sont positionnés en fonction de ces cycles naturels et célébrés par de nombreux rituels:danses du soleil Hopi, litha et Yule germano-scandinave, herbes médicinales des sorcières ou mages...Le solstice d’hiver est dans toutes les traditions la (re)naissance du soleil ou de la divinité, l’éternel retour, la victoire de la lumière sur les ténèbres, la maternité...
Le culte de Mithra, apparu en Perse antique 2000 ans avant Jésus-Christ, était célébré dans des grottes naturelles. On retrouve encore dans la culture Couseranaise, des personnes très âgées parlant de la tuta doras hadas (la grotte des fées), la peira deth Hiter (la pierre dressée) ou la rosée solsticiale, après des siècles de christianisation.

Le titan grec Cronos, fils d’Ouranos (le ciel et la vie) et Gaïa (la terre) est assimilé à Saturne dans la mythologie romaine. Les « saturnales » étaient une période de fêtes précédant le solstice d’hiver (17 au23 décembre) où l’on inversait l’ordre social : les esclaves et les maîtres s’échangeaient leurs rôles. On retrouve cette inversion dans la paysannerie pyrénéenne, où il fallait le soir de noël apporter soins aux bêtes sous peine d’être châtié par les animaux.

Au lendemain des saturnales,la date du 25 décembre est fixé en 274 par l’empereur romain Aurélien comme jour de naissance du soleil invaincu, pour contenter les adeptes de Mithra et du Sol Invictus. Les catholiques choisirons également cette date comme la naissance de Jésus Christ, près de 300 ans après sa mort, dans le but de la substituer aux fêtes païennes et romaines. Ainsi, le « noël » d’aujourd’hui est une histoire de colonisation des imaginaires et de récupération.
Les personnages de légendes scandinaves ont laissé place à St Nicolas, qui a ensuite été récupéré par une religion d’un nouveau genre. Une célèbre marque de boisson gazeuse a participé à la célébrité de santa Klaus (le père noël), en le coloriant de rouge et de blanc.

D’abord vénéré par les peuples, puis « romanisé » et « christianisé », le solstice d’hiver est aujourd’hui en proie à une nouvelle loi, celle du marché qui dicte les règles économiques, politiques et sociales. Le monde entier est devenu une immense source de profit ravageant tout et Noël en est le symbole.

Le Noël capitaliste est basé sur l’extraction de « ressources » qu’on exploite par des enfants ou autres esclaves à l’autre bout du monde, sur la spéculation de ces matières premières transportées et assemblées dans des usines à bas-coût, sur la publicité générée pour vendre cet objet industriel, jouet ou gadget inutile à obsolescence programmée, qui fera le tour du monde et finira sa triste destinée en polluant le sol, l’air ou l’eau dont dépend toute vie sur Terre.

Ainsi, là où on respectait les animaux, aujourd’hui on industrialise leurs conditions de vie et leurs morts. Là où on décorait dehors le sapin sacré de pommes et de fleurs symbolisant le renouveau de la vie, où l’on protégeait son foyer avec des plantes comme le gui, le houx ou le lierre, où l’on invoquait la lumière douce.

Aujourd’hui on coupe le sapin pour se l’approprier chez soi en guise de décoration, on accroche des boules de plastiques industriels et autre illumination nucléaire à faire concurrencer nos maisons aux enseignes de Las Vegas, temple de la laideur.

On peut trouver cela merveilleux voire « magique » mais cela n’a rien à voir avec la gratitude que l’on peut avoir envers la lumière du soleil, la vénération d’un arbre ou la force géologique d’une grotte. Dans un monde où il y a tant d’inégalités et de destructions, consommer et se gaver le soir de noël dans des familles privilégiées est-il une preuve de partage ? L’hypocrisie s’est généralisée.

Pourtant, il n’y avait pas de traditions de cadeaux ni de père-noël avant la 2ème partie du 20ème siècle. On faisait des crêpes de sarrasin ou de la daube paysanne dans le foyer.La lumière du solstice d’hiver est un feu de braise intérieur, privé, régénérant. Dans le Couserans, on préparait minutieusement le souquet pour nadau ( noël en Gascon). Cette souche séchée devait brûler longtemps pendant le solstice d’hiver, à l’intérieur du foyer. C’est exactement l’opposé du feu social flamboyant et ouvert du solstice d’été (feux de la St Jean).

A l’heure où certains pays « annulent » Noël par peur d’un virus, en France « la terre peut s’arrêter de tourner, ils rateront pas leur réveillon... » dixit Renaud. Pourtant, c’est un moment privilégié que l’on peut prendre pour soi, son foyer ou sa « tribu » pour relier notre nature aux cycles du Soleil, de la Terre et du Vivant.

Cela fait sens de "soutenir" la lumière du soleil (bougies, braises...) quand on en a besoin, d’avoir de la gratitude envers le vivant qui se cache sous terre, là où la sève se concentre dans les racines, où germeront les graines au printemps. Cet « arrêt » cyclique de notre étoile (environ 3 jours) peut également correspondre à un arrêt de soi ou de son foyer. Faire le point de l’année pour la digérer et l’intégrer (ex : écrire les grands moments et leur ajouter une émotion ressentie, ajouter des photos/dessins de l’année à l’agenda), se reconnecter au Vivant en balade, faire une activité simple en commun ou autre temps pris, permet d’envisager l’année à venir et échanger nos souhaits et vœux.

Aujourd’hui, peut-on remplacer le consumérisme global prédateur de la vie par le soutien à la production locale et sobre ? Pourquoi ne pas remettre de la magie en renonçant à la figure du père noël paternaliste pour nos « hadas » féminines, ces petites fées des grottes locales ? Pourquoi ne pas profiter d’être en vie pour la célébrer et établir des liens avec les autres vivant·e·s ? Joyeux solstice !
Dernière version le 19/12/2020. Signé : un paysan des bois (commentaires et témoignages bienvenus : demoiselles@riseup.net)




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