Comité Écologique Ariégeois

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dimanche 17 mars 2013

Micro-centrale hydraulique de Lacourt

Ce n’est pas fini...

La mise en œuvre de barrages et centrales sur les cours d’eau pour produire de l’énergie électrique, est en soi un bienfait en tant qu’elle pourrait éviter proportionnellement la production de la même quantité d’énergie électrique nucléaire, pétrolière ou gazeuse bien plus "sales". Ça c’est la théorie si on ignore la soif dévorante des micro-entrepreneurs de centrales hydrauliques qui rêveraient pour s’enrichir, si on les laissait faire, de multiplier à l’infini ces micro-centrales sur tous les cours d’eau un peu importants et conséquents dans les débits d’été. Si on ignore également qu’un cours d’eau est un milieu sensible, siège d’une bio-diversité à préserver et d’une qualité hydrique fragile. Il suffit de se rappeler les déboires de la rivière Ariège dernièrement (source de l’Ayroule polluée) et au cours de son histoire métallurgique.

Un cas nous occupe actuellement : c’est celui d’un projet de micro-centrale sur le Salat à Lacourt en amont de Saint Girons d’une puissance maximale brute de 1126 KW.

Le cours d’eau, de sa confluence avec la Garonne jusqu’à la confluence avec l’Arac, figurait dans l’ancien Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) approuvé en1996 sur la liste1 des Axes bleus (axes prioritaires pour la mise en œuvre des programmes de restauration des poissons grands migrateurs du bassin Adour-Garonne).

Depuis l’arrêté du 1er décembre 2009 du préfet de la région Midi-Pyrénées, approuvant le SDAGE Adour-Garonne 2010-2015, le Salat est classé comme un axe à grand migrateurs amphihalins et réservoir biologique et à ce titre, pressenti pour intégrer les listes I et II de l’article L. 214-17 I du Code de l’environnement. Il s’agit de masses d’eau qui :

 sont en très bon état écologique,

 jouent le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l’atteinte du bon état écologique des cours d’eau d’un bassin versant, identifiés par les SDAGE. Il s’agit des masses d’eau qui comprennent une ou plusieurs zones de reproduction ou d’habitat des espèces de phytoplanctons, de macrophytes et de phytobenthos, de faune benthique invertébrée ou d’ichtyofaune, et permettant leur répartition dans un ou plusieurs cours d’eau du bassin versant (article R. 214-108),

 nécessitent une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée comme les anguilles et les saumons.

L’instruction de ce dossier par les administrations concernées a donné lieu à des avis très majoritairement défavorables :

Tant la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN) que le Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) ou encore le Conseil Général de l’Ariège se sont unanimement positionnés contre le projet en raison des impacts forts du projet sur l’environnement et la faune aquatique.

Cependant, le 13 septembre 2007, à l’issue de débats très controversés, le Conseil Départemental de l’Environnements et des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) a finalement rendu un avis favorable au projet. Et le préfet emboîtant le pas, a autorisé l’exploitation énergétique du cours d’eau,(26 octobre 2007).

Le Salat, au terme d’une concertation de la SDAGE Adour-Garonne(2010), procédant à un pré-classement des cours d’eau, est proposé à intégrer les listes 1 et 2 des cours d’eau (très bon ou bon état).

Les objectifs assignés à ces cours d’eau et fixés par le SDAGE sont :

 Restaurer et préserver la continuité écologique et interdire la construction de nouveaux obstacles.
 Préserver et restaurer les zones de reproduction des espèces amphihalines.
 Mettre en œuvre les programmes de gestion des poissons migrateurs amphihalins et améliorer la connaissance sur les poissons grands migrateurs amphihalins.
 Nécessité d’assurer un transport suffisant des sédiments et des poissons migrateurs.
Le Salat bénéficiera donc d’une double protection.

Le tribunal administratif de Toulouse rejette la demande du CEA d’annulation de cette micro-centrale en arguant des dispositions du projet qui prévoient des mesures pour limiter les effets négatifs de l’ouvrage : passe à poissons, inclinaison pour la montaison et la dévalaison des espèces et des grilles protectrices.
On voit bien que ce jugement prononcé sur des critères techniques, ne tient aucun compte de la réalité vivante de ce qu’est un cours d’eau, de ses bio-systèmes et de la continuité écologique qui en découle. L’avis de la MISE est sans appel :
 les passes à poisson ne sont efficaces qu’à la condition d’être adaptées à la configuration des lieux.

Or, la pente et la granulométrie grossière de ce cours d’eau constituent des seuils naturels, qui dans des conditions normales de débit, sont franchissables pour le poisson.

Mais la forte diminution du débit engendrée par la centrale hydroélectrique risque d’accroître considérablement la fragmentation de ce cours d’eau et d’empêcher la circulation des poissons :

En amont des seuils naturels, la forte diminution de la lame d’eau deviendra peu compatible avec la nage des poissons tandis qu’à l’aval des seuils naturels, la diminution de la profondeur des fosses altérera les capacités de sauts des poissons et donc de franchissement des obstacles.

C’est aussi ce que souligne la DIREN dans l’avis précité du 16 mars 2005 :
« Vis à vis de la dévalaison :
Le taux de mortalité des espèces lors du passage au travers des turbines en fonction notamment du type de turbines, de leur vitesse de rotation, et de la taille du poisson. Pour pallier au mieux ces risques de mortalité, des dispositifs de dévalaison doivent être implantés au niveau des prises d’eau.
(…)
Il apparaît ainsi clairement que le nombre de prises d’eau et plus particulièrement d’usines hydroélectriques implantées sur les axes migratoires ont un effet direct sur le taux de mortalité des espèces dévalantes et en conséquence sur la capacité d’une population piscicole migratrice à se développer correctement (naturellement) sur un bassin hydrographique.
Chaque barrage, même les mieux faits, font perdre un à deux jours au poissons migrateurs. Il y a 27 barrages sur le Salat. Les poissons n’arrivent plus à temps sur leur lieux de frai et sont obligés de pondre dans des zones inappropriées.

Or, le salat est déjà équipé de 21 centrales hydroélectriques en aval du site projeté pour l’installation du nouvel aménagement et 7 autres centrales sont implantées sur le cours aval de la Garonne ».
Entre Soueix et St. Martory la moitié du dénivelé que parcourt le Salat est occupé par la hauteur nette des barrages.

Le CEA se voit donc amené à retenter une action en justice pour éviter cette réhabilitation néfaste d’un ouvrage qui n’est pas respectueux de la réalité vivante du Salat.

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