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jeudi 26 mars 2015
nouvelle loi sur la biodiversité
Loi biodiversité : deux nouveaux outils juridiques de protection
Le projet de loi-cadre sur la biodiversité, adopté ce 24 mars en première lecture à l’Assemblée, renforce le cadre réglementaire via de nouvelles zones de protection des espèces sauvages et des ressources halieutiques.
Les députés ont voté ce mardi 24 mars en première lecture - par 325 voix pour, 189 contre et 34 abstentions - le projet de loi-cadre sur la biodiversité, après l’avoir amendé. Ils ont adopté deux nouveaux outils juridiques de protection. Le texte crée par décret des zones prioritaires pour la biodiversité permettant de rendre obligatoires certaines pratiques agricoles nécessaires pour la conservation d’une espèce sauvage en voie d’extinction, via des contrats rémunérés. "Il n’existe pas d’outil en droit français pour restaurer un habitat dégradé d’une espèce faisant l’objet d’une protection stricte au titre du L. 411-1 du code de l’environnement en créant des obligations de faire", a expliqué le gouvernement dans son étude d’impacts du projet de loi. "Les outils classiquement utilisés (arrêté de protection de biotope par exemple) ne peuvent prévoir que des interdictions de faire".
Au regard de la directive européenne "Habitats", il s’agit donc de mettre en place un nouvel outil "plus protecteur avec d’abord la définition d’une zone d’application plus ou moins grande, correspondant à l’aire géographique de l’espèce concernée, et ensuite un programme d’action en faveur de cette espèce et de la maîtrise de son habitat", a indiqué Geneviève Gaillard (députée PS des Deux-Sèvres), rapporteure du texte à l’Assemblée. Ces zones s’appliquent déjà à certains bassins d’alimentation de captage d’eau pour les espèces ayant un habitat agricole. Elles pourront "bénéficier au grand hamster d’Alsace", a souligné Mme Gaillard : la France est menacée depuis 2011 de sanctions européennes pour n’avoir pas suffisamment protégé cette espèce.
Contrats avec les agriculteurs
A l’expiration d’un délai fixé par décret, qui pourrait s’inspirer du délai de trois ans pour les zones définies pour les captages, certaines pratiques agricoles "favorables à l’espèce" ou à ses habitats seront rendues "obligatoires", si les objectifs de préservation de la biodiversité ne peuvent pas être atteints malgré la mise en place d’outils contractuels. Ces zones ne seront opérationnelles qu’après prise des arrêtés par le préfet. Concrètement : "Dans une zone donnée, une espèce menacée est présente. On sait que pour la protéger, il faut mettre en place des mesures de gestion agricole favorables, par exemple cultiver de la luzerne plutôt que du maïs. Les autorités essaient donc de le faire sous forme contractuelle, mais dans certains cas il peut arriver que les agriculteurs présents ne le souhaitent pas", a précisé Christophe Aubel, directeur de l’association Humanité et Biodiversité. "Dans ce cas, si la gravité de la situation l’exige, le Préfet pourra déclarer l’endroit « zones prioritaires pour la biodiversité », les agriculteurs seront obligés d’accepter les contrats pour passer à la luzerne. Ces contrats sont rémunérés, ils ne seront donc pas économiquement perdants", a-t-il ajouté.
Le projet de loi prévoit des aides, dans le cadre de la Politique agricole commune, si ces pratiques agro-environnementales induisent des surcoûts ou des pertes de revenus. Ce délai pourrait "être réduit à un an dès lors qu’il serait constaté que les engagements contractuels pour les mesures agricoles favorables à l’espèce s’avèrent insuffisants par rapport à l’urgence qu’il y aurait à rétablir l’état de conservation d’une espèce".
Les députés UMP Dino Cinieri (Loire) et Jean-Marie Sermier (Jura) voulaient la suppression de ces nouvelles zones alors que l’utilisation de ce dispositif "réservée aux situations où des objectifs environnementaux majeurs ne réussissent pas à être atteints, sera probablement peu utilisé", a souligné M. Aubel. L’étude d’impacts a estimé à 3,33 millions d’euros par an le coût de mise en œuvre de la zone en faveur de trois espèces. "Ce coût n’est toutefois pas supérieur au coût de mesures volontaires si celles-ci rencontrent l’adhésion des agriculteurs", a souligné l’étude. Des contrôles seront réalisés par la police de la nature. "Il faudra apprécier par la suite l’efficacité de ce dispositif. Ce que l’on sait, c’est que lorsque l’on prend des mesures de protection adaptées à certaines espèces, cela fonctionne", a déclaré Mme Gaillard.
Protection intégrée des ressources halieutiques
Les députés ont également adopté la création de zones dédiées à la conservation des zones fonctionnelles des ressources halieutiques (ZCH) en métropole et outre-mer, au sein du code rural et de la pêche maritime. Il s’agit de mesures de police alors qu’aucune aire marine protégée ne permet actuellement la protection intégrée de ces zones, où les espèces accomplissent leurs fonctions de reproduction, d’alimentation et de croissance.
Ce nouvel outil permettra aux autorités de l’Etat d’interdire ou de réglementer les activités incompatibles avec le bon état des frayères, nourriceries et couloirs de migration des espèces. Le périmètre des ZCH concernera un espace en mer situé entre 0 et 12 milles marins des côtes ainsi qu’une zone fluviale jusqu’à la limite de salure des eaux, prévoit le texte. La zone sera limitée "au substrat ou à la colonne d’eau sur-jacente nécessaire à la protection de l’espèce en cause", ont ajouté les députés. Le classement en zone de conservation halieutique sera opéré par décret : son périmètre, ses objectifs de conservation et la durée de son classement y seront définis.
Ce classement sera basé sur une analyse scientifique mais également socio-économique de la zone concernée. Les zones seront définies selon leur "importance" pour la gestion des stocks ainsi que leur état de conservation et les risques de dégradation. Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé de la mer et de la pêche, a confirmé qu’une procédure de concertation avec les parties prenantes sera mise en place en vue de l’identification des zones d’importance.
Une fois cet espace délimité, un plan de suivi de la zone sera élaboré par l’Etat pour "concilier les différents usages et instaurer des mesures d’interdiction ou de réglementation des activités humaines qui pourraient avoir des impacts négatifs", selon le projet de loi. En fonction des situations, ce plan pourra également comporter un volet expérimental afin d’organiser des opérations de restauration des milieux ou de tester des "dispositifs d’exploitation innovants" sur la zone.
A la différence des réserves naturelles, les ZCH ne seront pas dotées de structures permanentes de gouvernance et de gestion. La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, qui exercent "des compétences propres en matière maritime, environnementale, économique et littorale", ne sont pas concernées par ces zones.
Le projet de loi prévoit six mois d’emprisonnement et 22.500 € d’amende, en cas de non-respect des règles et interdictions prévues par le décret de classement de la zone. Le tribunal peut ordonner, dans un délai qu’il détermine, des mesures destinées à réparer les dommages causés. "L’injonction peut être assortie d’une astreinte journalière au plus égale à 3.000 €, pour une durée de trois mois au plus". Ces zones seront intégrées dans la liste des aires marines protégées.
Le Sénat devrait à son tour examiner le texte en juillet.
Rachida Boughriet : Rédactrice spécialisée