Comité Écologique Ariégeois

Association départementale agréée de protection de l'environnement en Ariège

La guerre c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. (Paul Valéry- Gallimard - Cahiers)

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mercredi 16 avril 2014

Le CEA et FERUS obtiennent satisfaction contre un arrêté préfectoral

Un jugement qui laisse du répit aux ours Pyrénéens ; mais jusqu’à quand ?

Le 9 avril 2014, nous apprenions que la cour Administrative d’Appel de Bordeaux donnait tort au ministère de l’Ecologie et à la Fédération des chasseurs de l’Ariège qui soutenaient que les chasses au sanglier en battue dans les zones où vivent les ours bruns n’avaient aucune incidence sur la sécurité des plantigrades.

Le tribunal, suivant en cela l’arrêt du TA de Toulouse en 1ère instance, rejette l’arrêté préfectoral du 23 mai 2011 relatif à l’ouverture et la clôture de la chasse pour la campagne 2011/2012 en tant qu’il prend des mesures insuffisantes pour la protection de l’ours.

FERUS et le CEA qui dénonçaient judiciairement cet arrêté préfectoral laxiste sont donc (momentanément) soulagés.
Il faut préciser que souvent, pour se défendre contre nos mises-en-garde cynégétiques, la Fédération de chasse de l’Ariège préfère, par raccourci médiatique facile, nous accuser d’être anti-chasse.

Il est donc utile de souligner que dans la plupart des associations de protection de la nature ( le CEA et Ferus ne faisant pas exception), certains adhérents ou sympathisants sont des chasseurs, et qu’ils sont logiquement consultés avec grande attention sur la problématique de la faune sauvage et de sa conservation.
Ce n’est pas la chasse, le problème, mais ses excès bien sûr ; et le laxisme désinvolte de certains arrêtés signés pour complaire aux administrateurs de la Fédération.
Nous continuerons donc à nous opposer aux actes de chasse perturbant les écosystèmes fragiles et les espèces protégées comme l’ours ou au prélèvement d’espèces fragiles et menacées : Grand Tétras, Lagopèdes, etc...

Le CEA ne cherche pas à supprimer la chasse en Ariège à travers cette action (c’est un argument trop facile) mais inciter l’Etat à trouver des solutions de cohabitation intelligentes qui passent nécessairement par la remise en question de certaines pratiques, qui sont non seulement dangereuses pour les plantigrades mais aussi très perturbantes pour le milieu en général.
Nous demandons aux services de l’ETAT des positions responsables, courageuses et conformes à l’esprit des Directives et préconisations environnementales en la matière.

Les juges d’Appel reviennent sur la notion de perturbation intentionnelle d’une espèce protégée et confirment qu’il ne suffit pas de rechercher une intention dolosive de perturbation de l’espèce mais que tout acte de chasse est proscrit dans les zones où on a des preuves de vie de l’ours pour éviter tout effarouchement.

La cour s’appuie sur le plan de restauration de l’ours brun dans les Pyrénées pour faire un focus sur l’état de conservation de la population ainsi que son évolution dans les Pyrénées et signale à très juste titre que les sites vitaux de l’espèce ne se trouvent pas que dans les réserves de chasse mais qu’au contraire la majorité des indices de présence sont répertoriés hors de ces réserves.

Sans surprise la Cour admet comme le Tribunal Administratif de Toulouse que la chasse en battue constitue une source de danger pour l’intégrité physique et la vie des ours. Par contre la Cour va plus loin que le TA dans son analyse, en admettant, comme les associations le suggèrent, qu’un équilibre satisfaisant pourrait parfaitement être trouvé entre la nécessité de remédier à la « prolifération » des sangliers et celle de protéger les ursidés notamment en développant d’autres modes de chasse moins impactant.

Ci-dessous, une partie de l’argumentation du tribunal qui est proche de la nôtre :

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et en particulier du plan de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées françaises pour la période 2006 à 2009,
 que la population d’ours pyrénéens, qui était de l’ordre de cent cinquante au début du vingtième siècle, puis estimée à environ soixante-dix en 1954, a connu une forte chute de telle sorte qu’elle était évaluée à la fin des années 1980 à sept ou huit individus regroupés dans la partie occidentale du massif pyrénéen ;
 que des mesures de réintroduction ont été réalisées en 1996 et 1997 portant sur deux femelles et un mâle capturés en Slovénie ;
 qu’en 2010, étaient dénombrés dix-neuf ours bruns pour l’ensemble des Pyrénées, dont quatorze dans la partie ariégeoise du massif pyrénéen ;
 qu’il ressort, par ailleurs, de la cartographie des indices de présence de l’ours en période de chasse entre 1996 et 2008, réalisée en 2009 par la direction départementale de l’équipement et de l’agriculture de l’Ariège, que les sites vitaux de cette population, classée au niveau national en danger critique d’extinction et particulièrement protégée, ne se cantonnent pas, dans le département, aux réserves de chasse, 80 % des couches diurnes identifiées et près de 70 % des indices de présence répertoriés étant en particulier situés en dehors de ces réserves ;
 que c’est dans ce contexte que, par l’article 3 de l’arrêté contesté du 23 mai 2011, le préfet de l’Ariège, a, dans toute la zone de montagne du département, pour une période de près de cinq mois comprise entre le 3 septembre 2011 et le 29 janvier 2012, notamment autorisé la chasse en battue du sanglier ;
  que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce mode de chasse, autorisée dans un territoire fréquenté par l’ours brun, est de nature à perturber ce dernier durant ses périodes de pré-hibernation automnale et même d’hibernation, au cours desquelles il a besoin de pouvoir, en toute quiétude, se constituer des réserves suffisantes, ainsi qu’une zone de tanière ;
 qu’il est par ailleurs avéré que dans l’ensemble du massif pyrénéen, alors que trois ours ont été accidentellement abattus et que trois autres ont été blessés depuis 1994 du fait de tirs de chasseurs, le mode de chasse en cause constitue une source de danger pour l’intégrité physique et la vie des ours bruns, dont chaque mort accidentelle a, compte tenu de l’effectif total de la population, nécessairement une incidence négative importante sur la survie de l’espèce 
 ;

Délibéré de la Cour Administrative d’appel de Bordeaux


 que si le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie fait valoir que la chasse, notamment en battue, constitue tant une tradition culturelle dans le département qu’une nécessité économique liée à la prolifération des sangliers, il n’est pas établi qu’un équilibre satisfaisant entre les intérêts publics en présence ne pourrait être trouvé, alors que les associations Férus et comité écologique ariégeois ont invoqué la possibilité, non sérieusement contestée, de développer d’autres modes de chasse du sanglier ou encore de limiter l’activité sur des sites répertoriés, compte tenu notamment de la végétation qui s’y trouve et des indices de présence constatées antérieurement, comme non fréquentés par l’espèce ursine ;
 que si l’article 8 précité de l’arrêté contesté prévoit des mesures complémentaires à l’autorisation de chasse en battue en vue d’assurer la protection de l’ours, ces mesures, initiées par les seuls chasseurs ou leur représentants n’instaurent pas une protection stricte de l’espèce et sont insuffisantes pour lui éviter toute perturbation intentionnelle pendant les périodes considérées, notamment, tout endommagement de ses aires de vie ;
 qu’il s’ensuit que les articles 3 et 8 de l’arrêté attaqué méconnaissent, ainsi que l’a jugé le tribunal, tant l’article L. 411-1 du code de l’environnement que les objectifs de la directive du Conseil n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;

Enfin la Cour indique parfaitement bien que les mesures prises par le préfet sont en toute hypothèse insatisfaisantes en ce qu’elles ont été confiées pour l’essentiel aux chasseurs et leurs représentants.

L’Etat a été condamné à verser 1500 € aux associations défenderesses. Ce qui est peu vu les frais occasionnés. Pour nous, association, cette action est financièrement perdante ; mais quelle joie de sentir que notre point de vue est juste et qu’il est reconnu par les instances juridiques.

Cette excellente décision laisse évidemment augurer une issue favorable pour le contentieux engagé contre l’arrêté de 2012, toujours pendant devant le Tribunal administratif de Toulouse. La présence des ours n’est pas encore sanctuarisée dans les Pyrénées, loin s’en faut..

LDDM
Même le journal "Le Monde" s’en est fait l’écho. Voir ci-dessous :


Voir en ligne : Le Monde en parle

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