Comité Écologique Ariégeois

Association départementale agréée de protection de l'environnement en Ariège

La guerre c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. (Paul Valéry- Gallimard - Cahiers)

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vendredi 6 septembre 2013

Création d’une Zone d’Activité Economique en sursis

Zone d’Activité dite de « Prat Long » sur les communes d’Arignac et de Surba

Présentation de notre contribution à cette EUP en complément des contributions de : FNE M.P., Le Chabot,l’ACDE.

Préliminaire :

Le Comité Ecologique Ariègeois est une association L 1901 créée et enregistrée en 1979 puis agréée au titre de la protection de l’environnement et de l’urbanisme en 1992.
Son objectif est :
● La protection des espèces et des espaces pour une écologie soutenable et durable.
Ses moyens :
● Les actions en vue d’une prise de conscience des responsabilités dans le domaine de l’écologie
● Les actions en justice concernant l’objet de l’association.

C’est à ce titre que notre association participe à différentes commissions préfectorales (CODERST, CDRN , CDNPS … et départementales (CESEA) ainsi que dans des groupes de travail pour l’aménagement du territoire (SCOT…).
Son expertise dans les domaines de l’environnement et de l’urbanisme conduit à l’engager régulièrement dans des procédures contradictoires sur des projets d’aménagement pour œuvrer dans l’intérêt général des publics concernés, préserver le patrimoine naturel départemental et d’éviter des dépenses financières publiques parfois importantes et inutiles.

Exposé sur le projet de création d’une ZAE au lieu dit Prat-Long situé sur les communes d’ Arignac et de Surba


Agrandir le plan

Nous avons été contactés en 2010 par une association locale d’opposants (ACDE) au projet de création d’une ZAE institué par la communauté de communes de Tarascon (dont font partie les deux communes concernées par ce projet), pour faire le constat environnemental d’une zone agricole située en bordure de la 2x2 voies reliant Foix à Tarascon et à proximité d’une zone déjà urbanisée depuis plusieurs années.
Nous avons pu constater que cet espace était en bon état écologique malgré les différents aménagements de proximité et même que deux zones humides et une source s’y trouvaient.

Situation avant travaux
Zone à proximité de sites Natura 2000 comportant deux zones humides et une source.

Les opposants (dont certains étaient propriétaires de parcelles retenues dans ce projet) étant déjà engagés dans une procédure en appel, nous avons, à ce moment-là, préféré en attendre le résultat, nous réservant la possibilité d’intervenir plus tard.
Depuis, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé la décision du 1er jugement qui donnait tort aux opposants et l’affaire est reportée devant le Conseil d’Etat à la requête de la CDC.

Aujourd’hui, la CDC, porteur du projet, a délibérément entrepris des travaux d’aménagement sur cette zone agricole avant même que le Conseil d’Etat ait rendu ses conclusions. Les conséquences pourraient en être la restitution des parcelles aux propriétaires et la remise en état initial des terrains. Compte tenu de cette situation de fait, imposée par la CDC, nous considérons que, dans un premier temps, notre rôle est de consigner dans le dossier d’enquête, nos remarques sur ce projet.

L’état initial de la zone
Essentiellement composée de terres agricoles en bon état.
1ère tranche des travaux
Les travaux sont actuellement interrompus dans l’attente de la décision du Conseil d’État.

● Pertinence du projet économique.

Comme bien souvent dans un processus de développement porté par des élus qui recherchent un équilibre entre la nécessité d’engager des actions valorisant leur territoire en créant de l’activité génératrice de retombées économiques et les dépenses nécessaires pour financer ces opérations, il y a des engagements qui relèvent de l’auto suggestion.

En consultant les dossiers du projet nous n’avons trouvé, pour au moins la moitié d’entre eux, aucune trace d’un prévisionnel chiffré mettant en évidence les hypothèses sérieuses d’acquisition des lots disponibles (23 macro lots) par l’engagement d’entreprises.

Nous avons relevé dans le dossier de présentation du projet, que déjà plusieurs entreprises locales se seraient positionnées pour une installation et qu’un grand nombre d’emplois seraient susceptibles d’être créés.
Sur le dernier bulletin de la CDC de Tarascon, nous relevons que seulement deux entreprises locales se seraient engagées à transférer leurs activités sur cette nouvelle zone et qu’un emploi pourrait être créé.
Il est à noter qu’une des entreprises pourrait bénéficier d’un soutien technique et financier sur le volet foncier et immobilier pour s’installer. Il n’est fait aucune mention de ce financement supplémentaire dans les dossiers du projet présenté.
Nous sommes en droit de nous questionner sur l’utilisation des deniers publics pour engager un projet dont on ne connait pas la finalité économique et sociale sur des fondements réalistes.
Un porteur de projet privé ne connaissant pas, d’une part l’issue d’une procédure juridique en cours, et d’autre part l’assurance d’un marché porteur, ne prendrait pas autant de risques financiers mettant en jeu l’avenir de son entreprise et son patrimoine personnel.

● Aménagement territorial et Cohérence écologique.

Les lois du Grenelle de l’environnement ont institué un certain nombre de mesures pour lutter contre les pollutions environnementales, le changement climatique, et la cohésion des territoires en fixant de nouveaux objectifs en matière de développement durable.
Pour le volet urbanisme, un nouvel outil est proposé à l’échelle intercommunale, le SCOT.
Une partie du territoire ariègeois (Vallée de l’Ariège) vient de s’engager dans la création d’un SCOT dont les communes du projet font partie. Les principales recommandations en matière d’objectifs sont les suivantes :

  • Lutter contre l’étalement urbain qui entraine la régression des surfaces agricoles et naturelles, de la déperdition d’énergie, des émissions de gaz à effet de serre et des coûts élevés en infrastructures.
  • Préserver la biodiversité à travers la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques
  • Faciliter la mise en œuvre de travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments
  • Concevoir l’urbanisme de façon globale et créer un lien entre densité et niveau de desserte par les transports en commun

Le projet de Prat-Long s’inscrit dans le périmètre d’étude de cette procédure dont les objectifs tendent à réduire l’artificialisation des terres agricoles. Sur les 2150 ha de zones à urbaniser recensées, 950 ha devront être déclassés pour atteindre ces objectifs.

Le président de la Chambre d’Agriculture, fortement impliqué dans ce dispositif, a d’ailleurs déclaré dernièrement dans la presse (Dépêche du midi du 16/02/2013) :
« La Chambre veut ainsi jouer un rôle dans l’établissement du Schéma de Cohérence Territorial (SCoT). Car pour les agriculteurs, il y a beaucoup trop de zones urbanisables. C’est l’agriculture qui risque de se retrouver sacrifiée par cette course aux lotissements et autres zones d’activités. Et le président de citer l’exemple de la zone artisanale de Manses, créée sur de « bonnes terres et toujours vide ».
Ce qui contredit par ailleurs l’avis favorable de la chambre d’agriculture qui a été donné à ce projet.
Compte tenu des enjeux de ce dispositif et du peu d’impact sur la revitalisation économique dans le cadre de ce nouvel espace territorial, ce projet pourrait très bien s’inscrire dans le déclassement qui permettra d’atteindre l’objectif de réduire de moitié le rythme d’artificialisation programmé jusqu’en 2022.

● Incidences environnementale

L’aménagement déjà réalisé avant même que les avis des autorités administratives (DREAL, PNR), soient rendus pour compléter l’étude d’impact présentée, fait apparaître une forte dégradation du site de façon irréversible pour certaines essences patrimoniales (chêne centenaire, bocage remarquable, zones humides) et ne répond pas actuellement aux exigences imposées par les lois du Grenelle sur le dispositif Trame verte et Bleue.

● Respect des procédures d’évaluation des incidences au titre de la directive habitat concernant la proximité d’un site Natura 2000 majeur (rivière Ariège) et en présence d’espèces floristiques (Fritillaria nigra), faunistiques (Desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus), Loutre (Lutra lutra) ainsi que plusieurs espaces d’intérêt biologique (ripisylve, bocage, prairie de fauche, source et zones humides) pour lesquelles des statuts nationaux et communautaires de protection sont en vigueur.

● La prise en compte de la fonctionnalité des milieux n’est pas clairement apparente. Nous n’avons pas identifié dans le document ce qui permettrait d’établir les liaisons entre les différents réservoirs biologiques de la zone, ni les mesures compensatoires pour assurer de telles liaisons. La situation d’enclavement de la zone nécessite, pour les espèces présentes ou supposées, des aménagements spécifiques devant correspondre aux exigences de liaison interstitielle qui existait naturellement auparavant. Nous n’avons pas trouvé dans les documents mention de moyens susceptibles d’être mis en œuvre pour compenser cet impact.

● Le projet prévoit pour l’avenir le raccordement des eaux usées sur une nouvelle station d’épuration encore en cours d’étude. En attendant cette réalisation, les rejets d’eaux usées domestiques seront raccordés au système séparatif existant et devrait empêcher tout rejet polluant direct dans le milieu naturel.
Or, nous savons que cette station est actuellement en limite de capacité et que des dysfonctionnements ont été à l’origine de pollution de la rivière Ariège à plusieurs reprises. L’application du principe de précaution devrait être retenu dans l’attente d’une concrétisation de la nouvelle station afin d’éviter tout risque d’une autre pollution des eaux. Ce qui permettrait également le raccordement des lots 1 et 2 directement sans passer par un assainissement autonome dont on connait assez bien les imperfections de fonctionnement. Avec pour avantage d’éviter d’impacter la zone humide située de l’autre coté de la voie d’accès à laquelle le raccordement est prévu

● Effets sur la santé

Ne sont pas pris en compte les effets sur la santé de l’augmentation des perturbations électromagnétiques qui seront générées dans le cadre des nouvelles installations artisanales ou industrielles. Des études ont été menées sur les effets des rayonnements électromagnétiques basses et hautes fréquences (rapport bioinitiative – étude interphone). Ces études ont mis en évidence des symptômes évidents chez des personnes exposées aux CEM :
– Maux de tête.
- Stress.
- Troubles du sommeil.
- Fatigue.
- Nervosité et irritabilité.
- Un affaiblissement des défenses immunitaires.
- Des troubles euroendocrinoimmunitaires.
- Des troubles de la concentration et de la mémoire.
- Une augmentation des risques de cancer.
- Une augmentation des risques de fausses couches.

Il serait nécessaire que des recommandations soient inscrites dans le cahier des charges pour la prise en compte de ces nuisances par des dispositifs atténuant ces effets.

● Aménagement et développement durable.

Dans son rapport, l’autorité environnementale de la région souligne le manque d’éléments relatifs à la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ses effets.
Ce qui nous parait vérifié par le manque de propositions lié aux économies d’énergie.
Il est mentionné que les acquéreurs des parcelles pourront envisager l’implantation de dispositifs solaire et éolien sans pour autant l’imposer.
La tendance actuelle sur ces projets de création de zones d’activités est de donner une image de haute qualité environnementale pour attirer les entreprises soucieuses d’un développement en phase avec l’environnement.
Il aurait été judicieux de prévoir plusieurs dispositifs collectifs permettant à la fois des économies d’échelles sur la consommation et sur la production énergétique.
A titre d’exemple :

  • Centrale de production d’électricité solaire par des panneaux photovoltaïques
  • Récupération des eaux pluviales pour réutilisation en sanitaire et arrosage des espaces verts
  • Zone de compostage pour les déchets verts pour réutilisation en fertilisation.
  • Chaufferie au bois raméal fragmenté (filière bois ariègeoise)

Dans les documents que nous avons consultés, il n’apparait pas clairement la volonté de donner à ce projet la dimension d’une démarche « développement durable » en incitant également les acquéreurs à valoriser leur prestation ou production sur des projets de construction de bâtiments à forte valeur environnementale (bioclimatique).

Conclusion :
A ce jour, nous considérons que ce projet ne remplit pas toutes les conditions pour s’inscrire dans la logique de développement durable édictée par les lois du Grenelle de l’environnement et qu’il risque d’être préjudiciable financièrement à la population de la Communauté de Communes de ce territoire.
Il semble illusoire de bâtir un avenir pérenne sur le seul concept de proposer des infrastructures d’activités artisanales ou industrielles sans avoir la certitude qu’un réel besoin existe dans sa globalité.
Ce qui nous amène à donner un avis défavorable à ce projet tel qu’il est présenté à l’enquête d’utilité publique.

Pour le C.E.A.
Jean-Pierre DELORME
le 20 février 2013

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